Pourquoi mettre en œuvre la transformation digitale
Pourquoi en œuvre la transformation digitale
Introduction (Chap 1)
La naissance du réseau ARPAnet (Advanced Research Projects Agency Network) peut être considérée comme une révolution digitale. Selon Serres (2001, p. 8), ARPAnet a été développé afin de permettre aux chercheurs en informatique, sous contrat avec l’ARPA (agence de recherche technologique du département de la Défense américain), d’échanger et de communiquer leurs recherches. Une fois l’infrastructure stabilisée, le réseau ARPAnet (1958-1969) s’est transformé en réseau Internet (1974). L’évolution du réseau a demandé le développement d’interfaces logiciels pour améliorer son utilisation. Au Cern (https://home.cern/fr/science/computing/birth-web/short-history-web), Tim Berners-Lee décrit de quelle façon il a inventé le World Wide Web avec Robert Cailliau en 1989 – 1990. Ce projet, initialement conçu et développé pour et par des scientifiques travaillant dans des universités du monde entier, devait permettre l’échange instantané d’informations : « L'idée de base du WWW (Kleinrock, 1959) était de combiner les technologies des ordinateurs personnels, des réseaux informatiques et de l'hypertexte (Engelbart, 1957 ; Vannevar, 1945) pour créer un système d'information mondial, puissant et facile à utiliser » (Site du Cern, source consultée le 06/09/2019). L’utilisation du réseau Internet a continué de se développer et de s’étendre à d’autres domaines, passant de la recherche à une utilisation par les informaticiens (serveurs, sites intranet - Internet) puis par les entrepreneurs (sites e-commerce, par exemple).
Selon Patel et McCarthy (2000), la digitalisation est apparue avec l’avénement du Web 2.0 et l’utilisation du réseau par le grand public (mail, réseaux sociaux, Instant Messenger, commerce éléctronique). La simplicité et les opportunités d’utilisation du réseau ont contribué au développement de pratiques et d’usages nouveaux, jusqu’à la naissance de modèles d’affaires liés à cet écosystème numérique. Krishnan (2002) précise d’ailleurs la notion de Web 2.0, trop axée à ses yeux sur la dimension collaborative. Il suggère de faire référence au e-Business, insistant en cela sur la transformation des modèles d’affaires grâce au web.
La révolution digitale ne renvoie donc pas uniquement à une amélioration d’ordre technologique des procédés de fabrication ou de proposition de services. Elle englobe également les évolutions des usages professionnels, des modèles d’affaires, voire des pratiques sociétales (St-Léger et Amrani, 2004 et 2011). C’est ce que met en avant Dudézert (2015, 2017, 2018) lorsqu’elle distingue digitalisation et numérisation. Selon l’auteur, la digitalisation concerne l’usager dans son expérience aux technologies, « ces outils qui nous obéissent au doigt et à l’œil et nous permettent de développer des nouvelles pratiques de travail du bout des doigts » (Dudézert, 2018, p. 9). La numérisation quant à elle, fait davantage référence aux technologies et processus techniques soutenant la digitalisation (voir également Mathé, 2015). Selon Tilson, Lyytinen et Sørensen (2010), « le processus sociotechnique consistant à appliquer les techniques de numérisation à des contextes sociaux et institutionnels plus vastes rendent les technologies numériques infrastructurelles » (p. 749). La digitalisation conduit à une transformation organisationnelle profonde, qu’il convient de déployer à deux niveaux : technologique (Nolan, 1973 ; Pham, 2010 ; MIT, 2011) d’une part, évoquant la capacité de transformation et de maturité digitale, et organisationnelle (Besson et Rowe, 2012) d’autre part, renvoyant aux aspects stratégiques (Besson et Rowe, 2012) et opérationnels (Rondeau, 1999, 2002) de la transformation.
En particulier, la digitalisation implique de repenser son modèle d’affaires. Initialement, la numérisation des modèles d’affaires n’a concerné que les domaines technologiques, comme celle des télécommunications, des médias ou des logiciels. Les environnements plus traditionnels tels que ceux de la santé, du tourisme ou encore de l’administration publique ont évolué vers de nouveaux modèles d’affaires numériques plus tardivement (Bissonnette et Brunnelle, 2014, p. 29), lorsque les modèles d’affaires traditionnels ne parvenaient plus à dégager suffisamment de valeur. Il en résulte de la part des entrepreneurs une demande importante d’outils et de prescriptions pour les accompagner dans la transformation de leurs modèles d’affaires. La digitalisation de l’économie renforce cette demande car de nombreuses organisations traditionnelles cherchent à se digitaliser (Mangematin, Sapsed, & Schüßler, 2014).
La notion de modèle d’affaires est donc centrale pour analyser les modalités de création et de captation de valeur telles que celles associées aux plateformes digitales (Muzellec, Ronteau, & Lampkin, 2015). Mais comment dans ce cadre précis faire évoluer un business model traditionnel ? Avec quels outils ? La thèse d’Osterwalder (2005), réalisée sous la direction d’Yves Pigneur, a favorisé la compréhension et la clarification de la notion de Business Model en présentant un outil d’analyse : le « Business Model Canvas ». Cette contribution autour de la notion de Business Model, et d’autres depuis, tels que le modèle RCOV (Lecocq, Demil, Warnier, 2006) et le modèle GRP (Verstraete, et al. 2012), ont été largement relayées par les communautés professionnelles et académiques. Aussi intéressants soient-ils, ces travaux prennent peu en compte l’entrepreneur dans leur analyse. Les modèles proposés ne se penchent pas sur l’interaction dynamique de l’entrepreneur au sein d’un Business Model Digital. Or le rôle joué par l’entrepreneur dans le processus de digitalisation est une question majeure. Comment fait-il évoluer son modèle d’affaires ? Comment s’implique-t-il dans la digitalisation de ses activités ? Comment ajuste-t-il son modèle traditionnel afin de le rendre plus dynamique et de favoriser l’adaptation de l’organisation en contribuant à l’interfacer plus aisément avec le système d’information (Bidan, El Amrani, Geffroy -Maronnat, Marcinialk, Rowe, p. 73, 2004) ? Selon Autio, Nambisan, Thomas et Wright (2017, p. 1), la digitalisation transforme l’entrepreneuriat de deux façons. Premièrement, elle déplace le lieu historique des opportunités entrepreneuriales de l’économie traditionnelle en les rendant accessibles mondialement et virtuellement. Deuxièmement, elle transforme les pratiques et les usages des entrepreneurs. Il convient alors pour l’entrepreneur de prendre la bonne posture, d’identifier les moyens de créer de nouvelles opportunités d’affaires dans une économie digitalisée.
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