Comment dans le secteur du tourisme, un dirigeant conscient des objectifs nécessaires à sa transformation digitale fait évoluer son Business Model Traditionnel en intégrant parfaitement les éléments nécessaires à une transformation digitale.
CHAP 000
1 - Le cas d’une entreprise de tourisme qui échoue sa transformation digitale …
1.1 – Analyse d’un Business Model Traditionnel d’une agence de voyage
1.3 - Analyse de la posture de l’entrepreneur (théorie de l’effectuation)
1.4 – Lacunes et limites du business model traditionnel
2 - L’idée de la transformation digitale et du changement de Business Model
2.1 - Un Business Model Traditionnel inadapté aux nouveaux usages des clients
2.2 – Evolution du Business Model Traditionnel vers un Business Model Digital
2.3 – Construction d’un Business Model Digital (BMD) d’une agence de tourisme en transformation
3 – Analyse des difficultés rencontrées dans la transformation ou les causes d’échec
31 - La posture effectuelle du dirigeant, le nécessaire encadrement causal.
32 – L’entrepreneur refuse l’abandon du projet recherche de financement
33 – La persévérance entrepreneuriale en utilisant la théorie de l’effectuation (le patchwork fou)
Résumé
Les turbulences des années 2000 mettent en évidence les prémisses de transformations en profondeur des systèmes inter-organisationnels. Tim O’Reilly (2005) énonce dans son article « What is Web 2.0 » « le fait qu’une bulle se forme puis éclate est un trait commun à toutes les révolutions industrielles [...]. De plus, les quelques sociétés qui ont survécu à l’hécatombe de la bulle Internet de 2001 semblent avoir quelque chose de commun. Se pouvait-il que le crash des « dot com » eût révélé une nouvelle ère pour le Web au point que l’expression « Web 2.0 » ait un sens ? » (p.1). Le Web 2.0 a initié la transformation numérique, d’ailleurs l’expression « digital transformation » est apparue pour la première fois en 2000 dans le livre « Digital Transformation : The essentials of e-Business Leadership » (Patel et McCarthy, 2000). Contrairement à la révolution purement technique de la révolution industrielle, les TIC deviennent un phénoménal levier de transformation des organisations en supprimant les frontières de l’entreprise traditionnelle. Par exemple, pour élaborer de nouveaux produits, il n'est plus nécessaire que les hommes soient physiquement présents dans un même lieu. Le système LINUX, l’encyclopédie Wikipédia ont été développés via des plateformes d’intelligence collaborative.
Ces nouveaux usages engendrent de nouvelles formes de travail (Mallein et Toussaint, 1994 ; Jouët, 2000 ; Miège, 2001 ; Boughzala et Bouzid, 2010). L’intégration rapide des technologies de l’information et de la communication au sein du milieu professionnel a en effet modifié la relation de travail, en facilitant notamment la mise en place du télétravail. Ces révolutions permettent la création de nouveaux « business models » générateurs de forte valeur ajoutée (économie de plateforme). Au-delà du phénomène de l’informatisation c’est la société toute entière qui est en mutation. La digitalisation provoque des changements organisationnels par l’utilisation d’outils collaboratifs (Web 2.0). Ces artefacts numériques imposent la refonte des processus de travail et de nouvelles approches plus collaboratives sans négliger une parfaite maîtrise des projets entrepreneuriaux et digitaux.
Afin de mieux formuler notre réflexion, nous utiliserons le cas d’une entreprise de tourisme qui échoue sa transformation digitale, alors qu’elle en possédait toutes les clefs et les compétences nécessaires. Pourrions-nous dire que l’échec d’une transformation digitale se caractérise le plus souvent par des erreurs managériales voire stratégiques et non par des erreurs technologiques ? Malgré une parfait maîtrise d’un Business Model traditionnel (BMT) et la vision de l’évolution de ce BMT vers un Business Model Digital (BMD), quelles sont les causes d’échecs de cette transformation digitale ? Pourquoi avec les compétences nécessaires et les partenaires adéquats, un dirigeant visionnaire, dans une posture effectuelle ce projet a échoué plusieurs fois sa transformation digitale ?
Introduction
Les turbulences des années 2000 mettent en évidence les prémisses de transformations en profondeur des systèmes inter-organisationnels. Tim O’Reilly (2005) énonce dans son article « What is Web 2.0 » « le fait qu’une bulle se forme puis éclate est un trait commun à toutes les révolutions industrielles [...]. De plus, les quelques sociétés qui ont survécu à l’hécatombe de la bulle Internet de 2001 semblent avoir quelque chose de commun. Se pouvait-il que le crash des « dot com » eût révélé une nouvelle ère pour le Web au point que l’expression « Web 2.0 » ait un sens ? » (p.1). Le Web 2.0 a initié la transformation numérique, d’ailleurs l’expression « digital transformation » est apparue pour la première fois en 2000 dans le livre « Digital Transformation : The essentials of e-Business Leadership » (Patel et McCarthy, 2000). Contrairement à la révolution purement technique de la révolution industrielle, les TIC deviennent un phénoménal levier de transformation des organisations en supprimant les frontières de l’entreprise traditionnelle. Par exemple, pour élaborer de nouveaux produits, il n'est plus nécessaire que les hommes soient physiquement présents dans un même lieu. Le système LINUX, l’encyclopédie Wikipédia ont été développés via des plateformes d’intelligence collaboratives.
Ces nouveaux usages engendrent de nouvelles formes de travail (Mallein et Toussaint, 1994 ; Jouët, 2000 ; Miège, 2001 ; Boughzala et Bouzid, 2010). L’intégration rapide des technologies de l’information et de la communication au sein du milieu professionnel a en effet modifié la relation de travail, en facilitant notamment la mise en place du télétravail. Ces révolutions permettent la création de nouveaux « business models » générateurs de forte valeur ajoutée (Osterwalder, Pigneur, 2004). Au-delà du phénomène de l’informatisation c’est la société toute entière qui est en mutation. La digitalisation provoque des changements organisationnels par l’utilisation d’outils collaboratifs (Web 2.0). Ces artefacts numériques imposent la refonte des processus de travail et de nouvelles approches plus collaboratives.
Selon le ministère américain du Travail, le secteur industriel a été le principal pourvoyeur de richesse au siècle dernier. Il représente aujourd’hui moins de 30 % de la richesse mondiale créée. Cela signifie que la valeur s’est déplacée vers le secteur tertiaire, dit de « l’information et des services » comme elle s’était déjà déplacée auparavant du secteur primaire vers le secteur secondaire. Dans un article, Legrenzi (2010) cite Kenneth Boulding (1960), il déclarait « l’économie de la connaissance contient suffisamment de dynamite pour envoyer les économies traditionnelles sur orbite » (p. 61). Les business models traditionnels des pays développés ont créé leur richesse grâce au secteur industriel de la1ère révolution et si ces vieilles économies ne reconfigurent (stratégie d’évolution ou de transformation) pas leur modèle d’affaires, elles risquent fort de disparaître. L’analyse est confirmée lors d’une interview de Gilles Babinet (2015) par Drique et Merckaert (2015) « Ce qui est taylorisé va disparaître en une ou deux décennies et l’ouvrier avec, mais aussi nombre d’employés de bureau » (p. 32).
Les évolutions de la technique (industrielle, électronique, informatique) conduisent à des révolutions industrielles. Le terme de révolution est pertinent ici car les caractéristiques des environnements des systèmes d’information permettant la digitalisation sont radicalement différentes des systèmes antérieurs, les systèmes antérieurs ne reconfiguraient pas les activités, ils se contentaient d’automatiser des processus. Les technologies déployées ont conduit à réorganiser les processus de travail en les rendant interactifs sans être automatisables. Auparavant, de nouvelles caractéristiques technologiques émergeaient progressivement puis disparaissaient au profit d’une autre technologie, les technologies se succédaient au fur à mesure des évolutions, d’une manière incrémentale. Aujourd’hui, à l’horizon 2030, les TIC marquent une rupture majeure. C'est cette rupture qui fait leur force et leur spécificité car au fur et à mesure que la digitalisation progresse, émergent de nouveaux modèles d’affaires qui impactent un segment particulier de la performance de l’entreprise.
En conclusion, traiter des nouveaux usages des technologies, implique une réflexion sur les « relations d’extériorité et d’interdépendance » liant technique et société. Selon Roqueplo, (1983) « La technique peut être définie comme un rapport social matérialisé » (p. 162). La communication quant à elle, occupe dans l’ensemble des techniques, une place spécifique en raison de la dimension symbolique qui la constitue. Les travaux de Gille (1978) et des historiens de la technique considèrent que les techniques d’information opèrent un changement de la nature de la société : la notion de la société de l’information (thèse de Uri Porat, 1974-1977) se substituant à la société postindustrielle de Bell (1973). Babinet (2016), la qualifie de « révolution de l’information, silencieuse, presque invisible, mais d’une puissance inégalée (…) qui nécessitera d’adopter le modèle de l’entreprise plateforme » (p. 1).
1 - Le cas d’une entreprise de tourisme qui échoue sa transformation digitale …
Dans ce chapitre, nous allons étudier comment dans le secteur du tourisme, un dirigeant conscient des objectifs nécessaires à sa transformation digitale fait évoluer son Business Model Traditionnel en intégrant parfaitement les éléments nécessaires à une transformation digitale.
Cette partie traite de la théorie de l’effectuation qui caractérise une manière de raisonner particulière des entrepreneurs ainsi que de la notion de Business Model (Sarasvathy, Simon, 1998).
1.1 – Analyse d’un Business Model Traditionnel d’une agence de voyage
Le dirigeant de cette entreprise se nomme Christophe, il connaît parfaitement le business model traditionnel des entreprises de voyages et des activités événementiels. Il exerce depuis 20 ans dans un modèle d’affaires traditionnel d’agence de voyage au sein de la société IVO (Iles et Voyages Organisation). Christophe est reconnu et apprécié pour satisfaire ses clients à travers des projets de voyages traditionnels ou d’événements exceptionnels à co-construire avec le client.
A titre d’exemple, Christophe a créé des événements atypiques comme le « Technoplolis grand prix » (de Karting) au sein du Technopole de St-Etienne. Le technopole est normalement un centre dédié aux affaires. Lors de cet événement, il a transformé ce quartier d’affaires en une formidable piste de karting où des chefs d’entreprises on pu nouer des contacts privilégiés avec leurs clients et les salariés des différentes entreprises.
Figure 1- Technopolis grand prix 2011
Figure 2Technopolis Grand prix – 2011, le circuit
Après plusieurs années d’activités traditionnelles touristiques et événementielles, Christophe a pressenti l’émergence de nouveaux Business Models numériques (Parmentier, Gandia, R. (2022).
Et lors d’un échange de recherche intervention, il m’a confié son projet : « tu vois Patrick, les agences de voyages vendent des voyages sous un format de catalogues, imaginons que nous disloquions ce catalogue pour le vendre sous forme d’activités touristiques, gastronomiques, sportives ou d’autres services auprès du client. En finalité, que ce soit le client qui construise son voyage en fonction d’un prix ou de sélection d’activités. Que la plateforme propose la possibilité de construire un voyage unique pour chaque client. » entretien 09-2012.
Cette action de recherche intervention a duré 4 ans. Nous allons à présent analyser ce projet avec l’outil BMD² (Varenne, 2020), qui est une approche méthodologique de construction de Business Models Digital Dynamique favorisant les transformations digitales des PME.
1.2 - Analyse du projet du dirigeant selon la théorie de l’effectuation et du Business Model Digital Dynamique (BMD²).
Le BMD² décrit les composants et le processus de transformation digitale d’un modèle d’affaires traditionnel vers un modèle d’affaires digital. Au-delà de la dimension technologique, représentée ici à travers le modèle de la plateforme, les technologies digitales et émergentes (artefact digital) et plus globalement le SI, la spécificité de ce Business Model (BMD²) est qu’il place l’entrepreneur au centre de la transformation. Tel un pilote dans un avion, il est celui qui fixe un but précis sans suivre de méthodologie (logique effectuelle) spécifiée à l’avance (Sarasvathy, 2008).
Le Business Model Digital Dynamique (BMD²) est un modèle permettant de théoriser la stratégie entrepreneuriale. La partie entrepreneuriale met l’entrepreneur face aux aléas et aux incertitudes de réalisation du projet, pour cela il sollicite généralement un accompagnement externe (consultant) et interne (le e-pilote de la transformation). Afin de mettre en œuvre son projet, l’entrepreneur sollicite ses collaborateurs sur des changements opérationnels. Ces demandes dans le quotidien des opérateurs visent à traduire la vision stratégique de l’entrepreneur en processus opérationnels ( partie complexité et transformation organisationnelle). Les opérateurs traduisent le métier historiques en demandes concrètes afin de respecter les normes et usages en vigueur (logique de causation) et ces échanges organisationnels et opérationnels font émerger le business model numérique.
Dans cette approche, le diagnostic de maturité digitale joue un rôle central dans cette dynamique de transformation, notamment parce qu’il permet à l’entrepreneur d’évaluer ses capacités digitales tout au long du processus de transformation. Il s’agit de déterminer la tendance (et le score associé) de maturité digitale (partie sophistication des systèmes d’information) de l’entreprise et le chemin à parcourir pour atteindre la maturité nécessaire à la mise en œuvre du projet numérique. Celle-ci ne peut s’appréhender qu’associée à la vision portée par l’entrepreneur et à son implication dans l’accompagnement des changements traversés par l’organisation.
Figure 3 - Source (Varenne , 2022)
1.3 - Analyse de la posture de l’entrepreneur (théorie de l’effectuation)
Le fondateur de Iles et Voyages Organisation
Présentation du fondateur historique
Qui suis-je ? Christophe, j’apprécie le management de l’humain et j’aime accompagner et créer des voyages unique pour des occasions et des clients unique.
Que sais-je ? Christophe a obtenu un diplôme de l’ESC de St-Etienne afin d’avoir une approche plus stratégique de son business.
Qui je connais ? Son réseau professionnel est important, il est composé de personnes fidèles sur qui il peut compter et s’appuyer. Ses premiers employés ont été recrutés parmi son cercle familial au fur et à mesure du développement de l’entreprise et des hasards des rencontres et des opportunités.
Buts et objectifs : que pouvons-nous faire ?
Christophe à découvert le secteur du tourisme dès son plus jeune âge il a travaillé en Corse, après cette expérience, il a décidé de créer sa structure. Seul au départ, il a rapidement recruté des personnes proches, famille, amis. Son envie d’accompagner et de transmettre reste au centre de ses préoccupations, mais il veut également repenser son positionnement stratégique et faire évoluer son business model. Sa posture effectuelle d’entrepreneur le rend excessivement créatif et il est nécessaire de cadrer cette approche par un environnement plus causal.
Dans le quotidien de son agence de voyage, christophe a souhaité prendre du recul pour repenser sa vision stratégique et la création de valeur afin de pérenniser, voire d’accroître, sa position sur le secteur.
Le constat est le suivant : Les internautes court-circuitent les Tour-Opérateurs et les agences généralistes et ils souhaitent créer eux-mêmes leur voyage avec leurs envies. Les clients souhaitent réserver des activités sur leur lieu de séjour. Les internautes recherche sur de nombreux sites, activités par activités celles qui les intéressent puis ils les assemblent manuellement (souvent dans un tableur) pour élaborer leur programme de voyage. Ensuite, ils réservent chaque activité auprès de chaque commerçant ou agences de voyages. Cette approche est fastidieuse car aucun système ne propose l’agrégation de ces données de voyages afin d’avoir une proposition automatiquement formulée pour le client.
Figure 4- la désintermédiation des modèles d'affaires dans le tourisme
Comme nous l’avons précisé précédemment, Christophe est un dirigeant dans une posture effectuelle (Sarasvathy, 2008), il sait que son modèle d’affaires doit inévitablement évoluer. C’est un instinctif et un intuitif, il possède un important réseau relationnel sur lequel il peut compter afin de réaliser son projet de transformation. Afin d’atteindre ses buts, il confie la mission de transformation à un consultant labellisé ENE (Entreprise & Numérique) auprès de la région Rhône-Alpes et il intègre un dispositif nommé « ambition PME ». Le consultant dans une posture causale devra construire l’équipe informatique, identifier un directeur informatique pour la conduite du projet SI et également recruter une graphiste, un développeur java, ainsi qu’un développeur web et une stagiaire en référencement naturel (SEO).
Cette nouvelle équipe digitale viendra rejoindre l’équipe historique de conseillères voyages de l’entreprise IVO (Iles et Voyages Organisation) en charge de la commercialisation des événements et de l’organisation de voyages selon le Business Model Traditionnel.
1.4 – Lacunes et limites du business model traditionnel
IVO (Iles et Voyages Organisation) est une société de tourisme créée en 2011 par Christophe, son Business Model est traditionnel (BMT) cela signifie que son activité est de vendre des voyages à des clients en fonction de leur envie de destinations ou en fonction d’un budget déterminé. Cette activité fait vivre convenablement le dirigeant et 3 conseillères en voyages. IVO est en mesure de personnaliser (manuellement) l’offre de voyage en fonction de la demande du client.
Dans cette entreprise, les données sont stockées sur un serveur en local dans l’entreprise et les devis sont effectués sur un système de facturation traditionnel, les outils bureautiques sont prépondérants et ils sont utilisés pour construire les planning, les catalogues et les propositions commerciales à envoyer aux clients.
Figure 5 - Système d'information d'IVO
Les outils bureautiques sont majoritairement utilisés, le programme de facturation n’est pas interconnecté au site Internet de l’entreprise. Le site Internet est un site vitrine. Il n’y a pas de serveur centralisé. Le catalogue de voyage est papier, le choix du client est fait en agence, la méthode de prospection est traditionnelle. L’utilisation des réseaux sociaux est inexistante.
Figure 6 - Business model traditionnel IVO
2 - L’idée de la transformation digitale et du changement de Business Model
En 2013, lors de d’une autre rencontre Christophe a évoqué le lancement de son projet de transformation simplement (effectuation les buts) « tu vois un catalogue de voyage, tu découpes toutes les pages et tu en extraits les différentes activités afin de proposer ces activités à tes prospects afin qu’ils construisent eux-mêmes leur voyage personnalisé ». entretien 10-2013.
2.1 - Un Business Model Traditionnel inadapté aux nouveaux usages des clients
Le voyageur est confronté à une multiplicité d’offres de voyages, d’activités qui n’ont aucun lien entre elles et pour lesquelles il est nécessaire de consulter une multiplicité de sites Internet ou de fournisseurs.
Figure 7- Business model traditionnel de l’agence de voyage
Le constat étant fait, Christophe souhaite proposer un modèle d’affaires numérique afin de combler ce manque, Christophe a identifié une opportunité managériale, (Sarasvathy, 2008). La vision entrepreneuriale est claire et il a su utiliser son réseau (Sarasvathy, 2008) afin de construire une équipe métier solide et une équipe informatique motivée convenablement encadrée.
2.2 – Evolution du Business Model Traditionnel vers un Business Model Digital
Lors de diverses réunions avec les acteurs du Business Model Traditionnel et les informaticiens fraîchement recrutés (futurs acteurs du Business Model Digital), les éléments nécessaires à la conceptualisation de la plateforme sont élaborés. Les premiers développement vont assez vite grâce à l’implication et à la motivation de tous les acteurs.
Figure 8 - Construction du business model digital
Le Business Model Digital est élaboré et ajusté au fur et à mesure en fonction des remarques des conseillères voyages afin de coller au plus près de la demande des clients. L’expérience utilisateurs est sollicité également auprès d’un panel de client souhaitant participer à l’aventure. Rapidement (décembre 2013) une maquette de digitalisation des processus de réservations et catalogue des activités et des destinations est disponible à des fins de tests.
Figure 9 - Business Model Digital Dynamique (BMD²)
L’idée du dirigeant évolue et l’objectif n’est plus seulement de de proposer une destination de voyage mais de proposer « un sens au voyage » en proposant des activités à faire durant le voyage, en fait la destination n’est plus la finalité du voyage mais que ferons-nous lors de ce voyage ?
En proposant une plateforme les prospects pourront identifier un continent, un pays, une ville, un circuit, des activités à effectuer en fonction des aspirations de chacun et surtout l’élaboration automatique et chronologique des déplacements et des réservations des diverses activités sportives, culturelles, culinaires, artistiques ….
Le Business Model Traditionnel est donc inversé, Christophe propose une disruption du Business Model Traditionnel. Il propose avec la société Sogo.travel des voyages qui proposent du sens à chacun
Figure 10 - Business Model de la plateforme
L’innovation est dans le concept d’une proposition de voyage unique et personnalisé à travers des activités qui seront identifiées en fonction des personnalités, des goûts et des aspirations des voyageurs.
2.3 – Construction d’un Business Model Digital (BMD) d’une agence de tourisme en transformation
Suite à la figure 11, le schéma ci-dessous réorganise les différentes activités selon un algorithme permettant d’optimiser la planification par défaut ou par choix du voyageur.
Figure 11 – Schéma partiel de la plateforme Sogo.travel
3 – Analyse des difficultés rencontrées dans la transformation ou les causes d’échec
Bien que Christophe ait parfaitement identifié le nouveau modèle digital des agences de voyage, malgré des équipes métiers et informatiques parfaitement en adéquation avec le projet celui-ci a échoué.
31 - La posture effectuelle du dirigeant, le nécessaire encadrement causal.
Les causes d’échec sont dues à la posture effectuelle du dirigeant qui n’a pas été suffisamment encadrée au départ du projet. Le projet a parfaitement démarré avec les deux équipes métiers et informatique. La cohésion des équipes étaient présentes, les équipes BMT commercialisaient des voyages et des activités touristiques, les informaticiens élaboraient la digitalisation des activités. Le climat de travail était excellent. La motivation et l’implication des acteurs étaient totale.
Au fur et à mesure des mois de développement, les équipes métiers traditionnels ont estimé qu’elles travaillaient pour faire vivre un BMT qui lui rapportait de l’argent mais que les équipes du BMD (informaticien) le gaspillaient en ne créant pas suffisamment vite de richesse. En fait, le développement de la nouvelle activité numérique absorbait l’intégralité des revenus sans créer de valeur à court terme. Deux silos se sont alors naturellement créés, un silo activité digitale (plateforme numérique d’activités) et un silo activité traditionnel (agence de voyage traditionnelle).
Même après une importante levée de fonds qui a favorisé le développement de l’outil informatique les équipes n’ont pas réussi à s’aligner sur le même projet. Des tensions sont apparus, la démotivation des équipes a pris le dessus, l’épuisement des acteurs a sonné la fin de l’aventure entrepreneuriale. Le projet a commencé ses errances, les acteurs de départ ont quitté l’agence de voyage, l’argent est venu à manquer puisque la rentabilité initiale était induite de la vente de voyages (activité traditionnelle).
32 – L’entrepreneur refuse l’abandon du projet recherche de financement
Afin de finaliser le développement de la plateforme de nouveaux actionnaires ont intégré l’entreprise. Des fonds ont été levé auprès de la BPI.
Le climat de travail de départ a rapidement évolué. Le management du projet privilégiait la création d’un outil à destination des clients avec une ambiance de travail dans la bonne humeur et la décontraction. Rapidement à l’arrivé des « financiers » le climat de travail a évolué vers des objectifs de rentabilité à court terme.
L’arrivé des nouveaux actionnaires ont demandé une dilution des parts sociales des premiers actionnaires (fondateurs, salariés). L’épuisement des équipes de développeurs et la démotivation des différents informaticiens ont conduit à de nouvelles démissions afin de trouver un poste plus sûr et plus serein auprès d’autres entreprises, moins risquées. La cohésion des équipes devenu difficile, le projet de développement a souffert et la plateforme bien qu’en production ne pouvait suivre les évolutions et les attentes des différents clients.
Au vu des difficultés financières annoncées, les nouveaux actionnaires ont demandé au fondateur d’abandonner la direction et de se consacrer à la commercialisation des activités traditionnelles qu’ils maîtrisait depuis longtemps.
En 2015, le fondateur a préféré fermer l’entreprise car il a refusé d’abandonner la gestion aux financiers. Le fondateur a essayé de trouver d’autres financiers, mais il a toujours souhaité conserver la pleine gestion de son projet digital et aucun accord ne put être trouvé même auprès d’autres financiers et chefs d’entreprises qui croyaient en ce projet.
33 – La persévérance entrepreneuriale en utilisant la théorie de l’effectuation (le patchwork fou)
Après une longue traversée du désert (2017), le fondateur a retrouvé ponctuellement différents acteurs qui se sont impliqués au sein d’une équipe réduite dans la reprise du développement et la reformulation du projet sous un nouveau nom : www.booktrip.fr .
Figure 12 - Nouvelle expérience entrepreneuriale
mais ce projet n’a pas non plus abouti.
Aujourd’hui, avec force et détermination, le fondateur reformule son projet en complément d’autres activités traditionnelles afin de prouver sa détermination et surtout que le modèle initialement identifié est encore parfaitement d’actualité.
Conclusion
Ce cas pratique met en évidence les difficultés de transformation des modèles traditionnels. Même si l’entrepreneur est parfaitement conscient des évolutions nécessaires de son modèle d’affaires la mise en œuvre de ce modèle est délicate, elle fait appelle non seulement à des capacités entrepreneuriales mais également à des capacités en management de projet numériques sans omettre les compétences managériales des équipes afin de créer la cohésion nécessaire et durable à ce type de projet.
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Sitographie
https://www.youtube.com/channel/UCgTf0BeMxqmeSgoGevxe4FA?app=desktop
https://www.youtube.com/watch?v=cq_huQXtJJ8
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